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PROLOGUE DE DIEU

à Manuel Maples Arce

Tous les fruits de la Terre achevaient de mûrir
Sur des nappes de ciel par mes anges portées:
Je n'avais demandé pour ces dons d'une année
Que la paix des maisons et l'odeur de la vie.

A l'heure maternelle où se levait le jour,
Une croix fleurissait sur le pain de l'enfance
Et les époux disaient: «C'est le temps des vendanges».
Et le blé dans le vent respirait leurs amours.

Humblement, je suis Dieu. Que le pain et le vin
Dans la chair de mes fils, espoirs et nourritures,
Demeurent de ma chair une chair attendue
Sans jamais refuser d'apaiser d'autres faims.

Ainsi qu'aux premiers jours de mon désir heureux.
Je vous touchais encor lointains enfants du monde,
Car ma lumière avait des signes pour vos ombres
Et mon étoile ici gardait pour vous ses feux.

Des saintes profondeurs où commence l'éther,
J'ai versé sur vos yeux mes plus douces aurores
Et porté mon silence entre vos pas sonores...
Mais vous avez voulu les fièvres du désert.

Voici votre péché dans sa triste rumeur:
Il flotte avec la foule et pleure sans visage,
Il traîne son secret dans l'herbe qu'il saccage
Au ventre de la Terre: il fait signe au malheur.

Voici votre péché Quels souvenirs blessés
Descendent sur la pente où glissent les ténèbres?
Voici votre sang noir, écume de la haine:
Vos lèvres ont le goût flétri de ce baiser.

Voici votre péché. Le temps de vos moissons
N'arrive plus à regagner ses chaudes plaines;
Voici votre sommeil au champ des ossuaires
Où vos enfants déjà implorent !'horizon.

Qu'avez-vous fait des cœurs à la joie destinés?
Qu'avez-vous fait des chairs par la peur asservies?
Qu'avez-vous fait des morts qui remontaient la vie
Pour demander un peu d'une autre éternité?

La mort! Je l'avais faite ainsi que tout espoir,
Généreuse dans l'ombre où renaissaient les aubes.
Mais vous avez traqué de vos haleines fauves
Ce qui restait de vous dans son dernier regard.

Dans les plis de l'humus, les racines déjà
Ne savent plus l'appel des grands vents de l'espace;
Ce ne sont plus mes morts voués à votre race
Ces formes du silence errantes sans la foi.

Hors de mes lois et de moi-même et de mon Ciel,
Ce ne sont plus mes morts ces formes trop meurtries
Et je ne trouve plus les lignes de la vie
A leur tempe blessée où pénètre le gel.

autógrafo

Edmond Vandercammen


«Grand combat» (1946)

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